Je vous propose cette étude en 3 volets:1 - historique des productions des frères Grandville, les fameux Gee Bee
2 - montage de la maquette du Twin Bee
3 - histoire de l'échec de l'avion
VOLET 1Le Twin Bee, comme son nom l’indique, est issu de l’accouplement de deux
Gee Bee.
Ce montage extravagant résulte d’une idée fixe et de l’opiniâtreté de Zantford Granville qui avait décidé de développer le concept d’un Gee Bee bimoteur, certainement basé sur l’unique modèle R1/R2 obtenu par assemblage hétéroclite de deux avions crashés.
Zantford Grandville et le Gee Bee R1
Les Gee Bee :
Avant de parler du
Twin Bee, il faut peut-être évoquer les Gee Bee ?
Le tout début de l’histoire se situe en plein crack boursier qui met en faillite de nombreuses entreprises et au chômage des milliers de travailleurs.
On est en 1929 à Springfield, Massachusetts, où une fratrie de 5 hommes, Zantford, Thomas, Robert, Mark et Edward -
les frères Grandville – gèrent un petit atelier de fabrication aéronautique, le Granville Brothers Aircraft Springfield Inc. qu’ils vont développer au fur et à mesure de la commercialisation de leur petite production.
Logo d'époque:
L'atelier en 1929/30
Sur une période de 9 ans, la production totale ne concerne au total que 24 avions construits et commercialisés jusqu’au dépôt de bilan en 1939.
Model A de 1929 est leur première création ; c’est un biplan.
Plans d'origine
Réplique échelle 1
Les autres seront tous nommés Sportsers, suivis d’une lettre d’identification individuelle.
Toutefois, si l’on résonne en terme d’accidentologie, alors les résultats sont affligeants !
Jugez plutôt :Modèle X de 1930 crashé au Cirrus Derby en Septembre 1931, le pilote Roscoe Brinton gravement blessé.
Modèle C de 1930, détruit en meeting le 25 octobre 1931 dans le New Jersey, pilote Harry Hall décédé dans l’accident
Modèle D de 1931, crashé en 1936, pilote Channing Seabury, tué
Modèle E de 1931 : 4 avions construits, tous détruits par accidents :
- Février 1931, pilote Johny Kytle décédé dans le crash en show aérien à Atlanta
- Août 1932, crash au décollage, pilote Russel Boardman blessé
- Février 1934, accident en Caroline du Sud, pilote décédé des suites de ses blessures
- 1933, accident mortel en meeting aérien (l’aile de l’avion est conservée au Musée Air Aventure EAA).
Modèle Q un prototype prévu pour les configurations de tests et qui ne fera pas grande carrière en s’écrasant le 24 décembre 1931 et en blessant Mark Grandville.
Modèle Y deux construits et deux détruits sur accident.
- Le premier perd son hélice et s’écrase, mais le pilote est retiré sain et sauf des débris de son avion.
- Le second se répand lors des National Air Races de 1933, le pilote Florence Klingensmith est tué net.
Réplique échelle 1
Model L, en vérité un modèle Y (parfois noté Y/L) en version biplace
Réplique échelle 1
Naissance d’une légende…mortelle !Mais ce sont les trois dernières productions de la firme qui vont à la fois consacrer les Gee Bee (abréviation pour Grandville Brothers) comme des racers d’exception (et plus particulièrement le R1), tout en leur faisant une réputation controversée.
Les finances ne sont pas bonnes et pour renflouer l’entreprise qui en a bien besoin,
Bob Hall l’ingénieur et pilote attitré de la boîte, va parvenir à décider les Frères Grandville à construire un racer atypique et « gagnant ».
Bob Hall souriant devant un Sporster qu'il vient d'essayer
Bob, heureux designer du modèle Z qu'il essaiera aussi
En effet, depuis peu, les courses aux pylônes, les records de vitesse et d’endurance sont à la mode et se développent à travers le pays; ils attirent un gigantesque public friand de sensations fortes et sont dotés de prix vraiment très motivants.
Modèle Z « City of Springfield »
Il n’est construit qu’à un seul exemplaire.
Il est motorisé avec un Pratt & Withney « Wasp Junior » R-985 suralimenté de 535 cv est atteint 472 km/h en circuit fermé.
Photo colorisée de Lowell Bayles pensif, assis sur le carénage de roue du modèle Z
A ses commandes, il empoche les 7.500 dollars du Thompson Trophy de 1931.
Malheureusement il n’aura pas le temps de les dépenser car il va trouver la mort à Détroit le 5 décembre, lorsque l’aile droite s’arrache en pleine ligne droite !
( le lien ici : https://www.youtube.com/watch?v=1KTyYVnSyq4 )
Lowell Bayles quelques instants avant sa mort tragique
Réplique échelle 1
Modèle R1 (R pour Racer) prévu pour les courses au pylône
puis le
modèle R2, prévu à l'origine pour les records de distance, mais qui va participer aux courses au pylône.
Ces aéronefs improbables et complètement atypiques défient à chaque vol les lois de la physique et de l’aérodynamique en tenant l’air accrochés à leurs puissants moteurs dans des conditions exceptionnelles, le temps d’une course et parfois bien moins.
Au final, on constate tout de même avec étonnement qu’ils accumulent de nombreux succès. Sur 2400 courses organisées, 1802 sont remportées par les Gee Bee, mais c'est surtout au modèle R1 que revient la "part du lion".
…. mais à quel prix !
Gee Bee R1 Supersporster, est le racer au « design très particulier de tonneau volant » fruit de trois journées de tests en soufflerie à l’institut de mécanique des fluides de l’Université de New York en présence d’illustres ingénieurs.
Créé en 1931, il a été pensé spécifiquement pour les courses au pylône (et il va en gagner beaucoup), dont les deux premières, le Thompson Trophy, puis le Speed Shell en 1932 avec Jimmy Doolitle aux commandes.
Le R1 aux commandes duquel Doolitle vient de remporter le trophée de la Thompson.
Remarquer les tribunes, invariablement pleines lors de ces courses où les accidents sont courants.
L'avion est doté du moteur Pratt Whitney R-1340 refroidi par air, de 9 cylindres en étoile développant 800 ch et lui permet une vitesse de 474 km/h à 1000 pieds.
Passage du R1 à grande vitesse devant le mythique pylône de la Bendix Air Race
Au cours de sa courte carrière, l’avion bénéficiera d’améliorations de structure, notamment sur la forme et la surface du gouvernail.
Très belle photo du Gee Bee R1 doté du gouvernail modifié
….ce qui n’empêchera pas une succession d’accidents dont certains mortels.
Très vite, la réputation de tombeau volant (fortement relayée par les médias) va lui « coller aux basques », car il n’épargne pas les pilotes.
Jimmy Haizlip et Roy Minor s’écrasent successivement, s’en sortent mal en point mais vivants, alors que Russel Boardman, rescapé de son crash précédent un an plus tôt à bord du modèle E, trouve la mort en juillet 1933 aux commandes du R1 en version originale, dite " bob tail".
En observant le gouvernail (quasi inexistant), on n'imagine mal comment il pouvait serrer les virages comme le nécessitaient les courses aux pylônes!
"Russ" un pilote talentueux qui n'aura pas l'occasion de s'exprimer bien longtemps.
Gee Bee R2 Supersporster, n’est construit qu’à un seul exemplaire. Il arbore le chiffre 7. Initialement prévu pour les courses de distance, le choix du moteur se reporte sur le Pratt Whitney R-985 « Wasp Junior » de 550cv, ce qui parait suffisant.
Il sera remplacé par un plus puissant lorsque l'avion prendra place dans les courses aux pylônes.
Après un premier crash, l’aile et la motorisation seront modifiées ainsi que la forme et la surface du gouvernail.
Réplique du R2 échelle 1
Fin 1933 il sera détruit dans l’accident qui coûtera la vie à son pilote.
Les restes récupérés serviront à créer le dernier racer monomoteur de la marque, le R1/R2.
Gee Bee R1/R2 seul et unique en son genre: il est assemblé en 1934 à l’aide des restes des deux avions précédemment crashés. Le fuselage est rallongé derrière le poste de pilotage et l’avion est surnommé « Racer Long Tail ».
On remarque l'allongement du fuselage, visible à l'arrière du cockpit avec l'adoption d'une verrière coulissante
Roy Minor l’achète et se crashe à nouveau à son bord.
Il est alors reconditionné et revendu à Cecil Allen qui modifie son centrage; mauvaise idée car il se tue à son bord en 1935.
A priori, c’est le profil de cet hybride qui va prévaloir au dessin du fuselage du projet fou Twin Bee.
Gee Bee R6H - QDE c'est le dernier modèle monomoteur construit et achevé.
C'est un biplace en tandem destiné aux records de distance dans lesquelles il ne va pas exceller!
Il dispose d'une cellule allongée, d'ailes améliorées pourvues de volets, mais il est plus imposant et plus que lourd que le R2.
Aux commandes de pilotes différents, il participe à quelques courses prestigieuses telles que la Bendix Race en 1934, piloté par Lee Gehlbach, la même Bendix Race de 1935 avec Royal Leonard
Le Bendix Trophy
ou aux mains de Lee Miles durant le Tompson Trophy de 1936.
Le Tompson Trophy
La seule course remportée avec le R6H/QDE l'a été par le duo Jacqueline Cochran et Wesley Smith lors de la "Marc Roberston Air Race"de 1934.
La même année ils doivent abandonner la course prévue en Grande Bretagne, sur ennuis de moteur
Vue du moteur et du dispositif de fixation des capots
Les profils suivants sont publiés avec l'aimable autorisation de Bertrand Brown alias Gaëtan Marie’s Aviation Profiles (http://www.gaetanmarie.com/fr/la-carriere-du-gee-bee-qed-en-couleurs/)George Amistead était aux commandes lors de la Bendix Race de 1938.
Le 24 mai 1939, le Capitaine Francisco Sabaria établit un nouveau record entre Mexico et New York.
On remarque les volets ajoutés sur cette version
Francisco Sabaria ne savourera pas longtemps son succès: il trouve la mort lors du voyage retour, lorsque l'avion en panne moteur s'écrase dans le Potomac le 7 juin.
Réplique échelle 1
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Ici finit la présentation des avions de la Société des frères Grandville.
Voyons rapidement la version de la maquette la plus répandue, le modèle R1Au 1/32, deux marques ont produit l’avion dans les années 70.
Williams Bros qui vient de ressortir sa collection de racers avec de nouveaux box arts et en a produit 3 au moulage identique pour le modèle R
l'ancienne boîte du R1
et deux plus récentes,
dont vraisemblablement le même moule du R1 mais avec les décorations du R2 (sauf erreur)
l'ancienne boîte du modèle Z "City of Sringfield"
et Lindberg Line qui a commis le R1 sous différents boîtages successifs mais sans en modifier son moulage simpliste.
C'est cette dernière que j'ai choisi pour réaliser mon projet de bimoteur.
La maquette est très basique, plutôt grossière même, les détails inexistants et son montage « from the box » ne doit pas être très affriolant.
C’est vraiment du moulage basique de chez basique : lignes de structure en relief, rivetage partiel type boulons de locomotive lorsqu’il y en a, habitacle réduit à sa plus simple expression, moteur moulé en trompe l’œil sur un disque en faible relief où l'on devine les cylindres, pas de culbuteurs ni autres détails. Les hélices sont inexploitables et je ne m’en servirai pas.
Quelques photos de Gee Bee
Un R2 « normal » monté "comme dans la boîte", vu lors d’une expo
Photo d’un montage lambda du R1 « from the box » de Linberg Line avec un revêtement gris (remarquer les rivets de type locomotive)!
La simplicité de conception et le peu de pièces qui composent cette maquette au moulage basique la destinent aux débutants et ceux qui la monteront "from the box" ne se feront pas une entorse au poignet!
Et voici trois réalisations sélectionnées pour le "côté fun" des maquettistes « qui se sont lâchés sur Gee Bee»
Un R1 version Luftwaffe avec une hélice qudripale!
Et deux autres R1 non moins étonnants, aux couleurs Air Force de 1941 à Pearl Harbor
dont celle-ci avec une belle patine:
Cocasse is’nt ?
Voilà pour la saga des Gee Bee, place à la maquette du Twin Bee
To be continued…..