Le plus gros gâchis financier du second conflit mondial ? C’est en ces termes qu’on définit généralement le fiasco qui "colle aux basques" du Messerschmitt Me 210.
En 1937, alors que le Bf 110 n’est même pas encore opérationnel, le RLM ouvre un concours pour lui trouver un successeur sans perte de temps (!).
Willy Messerschmitt répond aussitôt en mettant ses ingénieurs au travail sur la base du Me 110, dont il va se servir pour de nombreuses pièces communes.
De son côté, Arado bosse sur ce qui va être l’Arado 240, un bimoteur bi dérive à l’aspect « lourdaud ».
1er prototype de l'Arado 240avions de présérie En vol avec son look bizarre
Pourtant prometteur, mais handicapé par des problèmes de mise au point, l’avion concurrent ne bénéficiera pas des largesses offertes par Herman Goering à Willy Messerschmitt, chouchou du RLM et à son Me 210.
Belle peinture d'artiste d'un Arado 240 qui se voudrait opérationnel, ce qu'il n'a jamais été.Grave erreur car cet avion qu’on voulait polyvalent va s’avérer être un ratage monumental !A l'instar du Bf 110, les premiers prototypes se présentent avec une double dérive.
Prévu "multitâches" comme « Zerstörer », bombardier en piqué, chasseur lourd et intercepteur nocturne, il va cumuler une suite invraisemblable de problèmes techniques et de monumentales pertes, principalement par accident.
L’avion est instable sur l’axe de lacet ce qui induit des oscillations sur l’axe de roulis.
En tangage il est enclin au décrochage lors de virages engagés, généralement suivis d’une vrille
irrattrapable : « la totale » et le pied pour tout pilote suicidaire !
Le pilote d'essai en chef Dr. Hermann Wurster, engagé dans une vrille à plat dont il ne peut sortir, sauve sa vie grâce à son parachute et déclare, tout en nuances au RLM:
« le Me 210 détient à lui seul toutes les caractéristiques les moins désirables qu'un appareil puisse posséder... ».Quelque chose à ajouter ???
le Dr. Hermann Wurster avant "son aventure", lors d'essais sur les décollements des filets d'air.
Remarquez les brins de laine tissée sur l'extrados des ailes et la forme bombée de la première verrière de l'avion version courte
Dans un premier temps, 9 prototypes se succèderont dont 4 immédiatement perdus par accident.
On abandonne la bi dérive pour un unique plan fixe vertical de grandes dimensions, ce qui atténue un peu les oscillations, mais ne change rien d’autre.
rare photo de la "nouvelle bête" en vol
Il ne faudra pas moins de 16 prototypes et 94 modèles de présérie pour tenter de résoudre les principaux problèmes (un record en la matière). Malgré tout, il ne sera jamais au top.
Après quelques accidents complémentaires tant au décollage, qu’en plein vol ou à l’atterrissage…
…les ingénieurs finissent par se décider à rallonger le fuselage.
Profil de la version à fuselage court ...et photos de la suivante à fuselage rallongéHélas, les accidents continuent....
Forte embrassade avec un Caproni italien!
Ici, le pilote a pris soin de virer les verrières avant de réintégrer la planète!
On fait même des essais ponctuels avec des hélices quadripales,
...ce qui n’apporte aucun changement.
La corde de l’aile est à nouveau modifiée avec l’angle qui prend quelques degrés de plus pour un gain de vitesse, ce qui aura pour effet de réduire l’instabilité en tangage alors que c’est l’axe de lacet qui pause réellement problème.
Si le Bf 110 transporte ses charges offensives en intrados, ce qui augmente la trainée parasite, son successeur est pourvu d’un logement dans le nez où les bombes disparaissaient, ce qui lui permet tout de même un gain de vitesse appréciable.
Un tank volant ?Avec les armes défensives, Messerschmitt innove : de part et d’autre du fuselage, il intègre deux mitrailleuses orientables MG 17 de 7,92 mm.
Elles sont manipulées par l’observateur radio à l’aide d’une crosse de pistolet fixée à l’extrémité d’un bras articulé.
Déclenchées électriquement, les mitrailleuses sont couplées lors des mouvements vers le haut et le bas, mais se dissocient lors des gisements latéraux avant/arrière. Un interrupteur fin de course coupe le circuit lorsque les armes sont pointées vers la queue de l'appareil.
De fait, le procédé semblait ingénieux, mais la précision des visées reste aléatoire et les succès rares.
Dans sa version chasseur lourd (et ce n’est pas un euphémisme ! ), en plus des 2 mitrailleuses MG 17 de 7,92 mm fixées dans le nez, le compartiment à bombes reçoit 4 canons MG 151/20 de 20 mm.
Et comme si ça ne suffisait pas, plusieurs modèles sont affublés d’un gros pod ventral avec 2 mitrailleuses MG 131 de 13 mm
comme ce sera essayé aussi sur les Bf 110, ce qui n'améliorera pas non plus leurs performances!
Mais ce n'est pas tout! On va l'affubler de différentes charges offensives comme avec un canon de 40 puis de 50 mm
et des tubes lance obus, jusqu'à 6 sous les ailes et parfois 4 dans le nez!
Les distances de décollage et d’atterrissage s’allongent, le taux de montée et la manoeuvrabilité sont lamentables et le rayon de virage est aussi long que « la mort des rats » !
Les pilotes ont certainement plus l’impression de piloter un tank qu’un intercepteur !
Sur le papier les performances du Me 210 sont très impressionnantes : 620 km/h grâce à ses deux moteurs Mercedes Daimler Benz B 601F de 1 330 ch, soit presque 80 km/h de plus que le Bf 110. Mais, en l’air…… ce n’est pas tout à fait ça !
L'Allemagne a un besoin urgent de "Zerstörer" et contre toute attente, bien qu’il soit loin d’être prêt, il entre en service effectif en décembre 1941. Les livraisons aux unités commencent en avril 1942 alors que les tests officiels continuent jusqu’à fin 1942 …du jamais vu !
Celui-ci a eu de la chance de pouvoir rentrer de mission. Notez les impacts en intrados et sur le fuselage.
La transformation opérationnelle des pilotes de Me 110, va coûter cher : dans les quatre premiers mois de son utilisation, 27 accidents causent la mort de 11 équipages.
Il est quand même engagé sur le front russe où il se fait étriller lamentablement. Les pertes sont « Kolossales ».
Les avions survivants se reportent sur des missions d'attaque au sol où ils vont quand même « payer cher ».
On comprend aisément les raisons qui font que l’avion est détesté par les équipages.
Devant l’hécatombe et malgré les appuis en haut lieu à Willy Messerschmitt, la production est stoppée à la livraison du 90e appareil.
320 unités en cours d’assemblage sont abandonnées (!) et il est ordonné la reprise immédiate de la production du Bf 110.
L’égo de Willy Messerschmitt en prend un bon coup, mais rien, ne pourra empêcher la gabegie en temps, en énergie et en argent!
La suite avec le retour au montage et ....avec la Hongrie.