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Deux jeunes pilotes novices et amis pour une aventure hors du commun: Jean Albert Robert Hébert est né le 24 mars 1920 à Caen
Denys Emile Louis Boudard est né le 5 novembre 1919 à Flers
L’épopée :Passionnés d’aviation, adhérents à l’aviation populaire, ils se rencontrent en 1936 sur l’aéroclub de Cormelles-le-Royal où ils prennent des cours de pilotage et se lient d’amitié. Ils obtiennent leur brevet de pilote de 1er degré en avril 1938.
Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, ils décident de s’engager dans l’armée de l’air pour la durée du conflit. Ce qui est acté le 1er février 1940 à la Base Aérienne BA 131 de Caen.
Sur celle de Bernay puis celle d’Evreux, ils préparent leur brevet de pilote militaire qu’ils obtiennent en mars 1940 avec le grade de sergent.
En juin 1940, ils doivent rejoindre la base d’Étampes afin d’y achever leur entraînement, mais le contexte ne le permet pas et ils se retrouvent à Lannion puis, devant l’avancée ennemie, à Bergerac où consternés, ils apprennent que Pétain
"fait don de sa personne à la France" et sollicite l’armistice au dictateur Adolf Hitler.
L'arrogance des vainqueurs sur l'esplanade du Trocadéro 23 juin 1940
La France est coupée en deux et les aviateurs rejoignent l’Afrique du Nord où ils sont cantonnés à Blida en Algérie. Là, ils vont se morfondre huit mois.
Ils ont une idée fixe : rejoindre l’Angleterre et continuer le combat pour la libération de la France.
Ils obtiennent une permission de 45 jours valable uniquement pour la zone non occupée et débarquent à Marseille.
Ils passent clandestinement la ligne de démarcation puis, en gare de Bourges, prennent le train direction Paris.
En longeant un terrain d’aviation, une idée vient à Denys …Il en parle à Jean qui adhère immédiatement et ils se mettent d’accord pour tenter de la réaliser.
Il s’agit de s’emparer d’un avion allemand et rejoindre les Forces Françaises Libres en Angleterre « rien que ça »! Ils ont besoin de papiers en règle et décident de se faire démobiliser. Ils retournent donc à Marseille où ils signent leur démobilisation le 29 mars 41.
Ils « remontent » immédiatement à Caen, repassent la ligne de démarcation de nuit au même endroit, puis reprennent le train (sans billets, vu qu’ils n’ont plus de « tunes »
) !
Ils rejoignent leurs familles sans problème puis s’en retournent en Normandie où ils commencent une surveillance discrète des terrains d’aviation de la région.
Les bases de Bernay et d’Evreux sont inaccessibles mais Caen Carpiquet (qu’ils connaissent bien), semble plus adapté.
L’accès est aisé par le Sud du terrain et ils louent une chambre à Verson, commune attenante, afin de surveiller les installations.
Ils repèrent le manège quotidien d’un petit biplan d’école qui s’envole tous les jours en fin de matinée et revient dans l’après-midi.
Il s’agit évidemment d’un Bûcker Bü 131 !Ils n’ont que 150 heures de vol à leur actif, « mais ça va le faire »
!
Ils remarquent aussi que les mécaniciens arborent une combinaison noire.
Ils achètent aussitôt « deux bleus de travail » à leurs tailles et les teignent.
Le grand jour est fixé au 29 avril.Ils pénètrent sur l’aérodrome par le sentier qu’ils ont repéré et qui mène au hangar où est stationné l’avion. Ils s’approchent du Bücker, mais un mécanicien afféré plus loin les regarde un instant …puis s’en désintéresse.
Ils sortent le Bucker du hangar lorsque qu’un groupe d'officiers allemands passent à leur niveau. Ils s’empressent d’ouvrir le capot moteur pour faire semblant de travailler dessus. Par bonheur, personne ne leur adresse la parole.
« Les voleurs volant »Ils ont tiré au sort l’ordre de pilotage: depuis la place arrière, Jean Herbert fera le décollage et à l’avant, Denys Boudard s’occupera de l’atterrissage. En vol, ils se passeront les commandes.
Denys brasse l’hélice, le moteur démarre après deux essais, puis il grimpe à bord.
L’avion roule, décolle sans encombre et fait un passage à basse altitude sur la gare de Caen où un ami cheminot attend leur signal. Il détient des lettres qui lui ont été remises et qu’il est chargé de remettre à leurs familles.
Cap sur l’Angleterre. A l’issue d’une heure de vol ils sont sur la côte et survolent Bournemouth où ils ne passent pas inaperçus !
A la vue des croix noires, les membres de la défense passive aux aguets déclenchent les sirènes d'alerte.
Il est temps de trouver où se poser. Les prairies côtières?... Pas exploitables, elles sont constellées d’obstacles et de ballons …
Ils repèrent plus haut deux chasseurs britanniques qui les survolent, heureusement sans les apercevoir.
Soudain, ils aperçoivent au loin un avion en descente. Ils se dirigent vers lui et se retrouvent à la verticale d’un petit aérodrome.
Herbert est aux commandes, Boudard brandit un mouchoir blanc, mais le passage bas de l’avion allemand à la verticale des installations créé la panique.
L'avion se présente en courte finale et se pose sans encombre puis se dirige vers les hangars où il coupe le moteur.
We are french pilots ! Descendant du Bucker où des militaires armés les mettent en joue
ils essaient de s’expliquer avec les quelques mots d’anglais que leur permet leur pauvre vocabulaire….
Heureusement, un grand type s’approche nonchalamment; il a fait la « grande guerre » en France et parle français.
C’est le Sergent Pitchard qui les écoute et traduit.
Leurs explications semblent plausibles et il leur apprend qu’ils viennent de toucher le sol britannique sur l’aérodrome de Christchurch dans le Dorset.
Pitchard et les deux pilotes
Nos compères heureux de leur réussite ...
Ils sont arrêtés, fort bien traités, mais comme il est d’usage, questionnés pendant trois jours à la Patriotic School, afin de recouper leurs dires et lever les suspicions d’espionnage.
Lavés de tout soupçon, ils sont présentés à Winston Churchill puis à Charles De Gaulle.
Les britanniques à l’humour légendaire envoient un télégramme aux allemands :“Don’t worry, the plane and both pilots are fine. Keep sending us new devices. We will win the war more quickly" !« Ne vous inquiétez pas, l’appareil et les deux pilotes vont bien. Continuez à nous envoyer des appareils neufs. On va gagner la guerre plus rapidement »
Malgré leurs appréhensions légitimes de représailles potentielles à leurs familles, la presse écrite et les radios britannique et française libre utilisent largement la propagande de leur ralliement à bord d’un avion volé à la Luftwaffe !
Incorporés à leur demande aux FAFL, ils sont affectés à Camberley dans le Surrey (à 20 km de Londres), pour y parfaire leur formation et apprendre la langue de Shakespeare.
A scarborough, à l'issue de leur formation.
Puis ils sont séparés.
En juillet 1942, Jean Herbert est promu sergent chef et part au Moyen Orient. Il intègre le Groupe Mixte d’Instruction de Damas, où en 3 mois il ajoute 160 heures à son carnet de vol sur Potez 25, Morane Saulnier 230 (pour la voltige) et Gloster Gladiator afin de peaufiner son entrainement et assurer les premières missions opérationnelles.
Il désire intégrer une unité combattante et il est affecté au Groupe Lorraine à Fort Lamy. Puis il rejoint la Grande Bretagne à Cranwell dans le Lincolnshire où en OTU, il s’entraine assidument sur Miles Master afin de rejoindre une unité opérationnelle.
un Miles Master MkI
Dommage collatéral où comment Jean Herbert perd bêtement la vieLe 9 juin 1943, il est prêt. C’est son dernier vol en OTU et il a revêtu son uniforme FAFL de sortie en l'honneur de sa nouvelle affectation au groupe Lorraine qu’il va rejoindre.
Malheureusement, il ne respecte pas son plan de vol initial et pénètre imprudemment dans une zone interdite de la côte Est, sans s’annoncer à la radio.
Il semble bien que cette erreur soit tout de même volontaire car Jean fréquente une anglaise et se dirige au-dessus de sa maison pour lui offrir une petite séance de voltige.
Immédiatement détecté par les radars, le contrôle envoie deux Spitfire canadiens en maraude dans les parages à la rencontre d’un « hostile » (le wing co de l’escadrille d'appartenance de ces deux Spitfire est le fameux Johnnie Johnson).
En intrados et sur une partie des flancs du fuselage, le Miles Magister est peint en jaune vif; c’est le standard des avions école. Mais en extrados, les cocardes règlementaires ne sont pas très visibles sur le camouflage RAF classique.
Les pilotes canadiens sont certains qu’il s’agit de l’allemand signalé par le contrôle aérien. Ils interceptent Jean Herbert sur la côte Est, au Nord de la ville de Middlesborough, et ne lui laisse aucune chance.
Trois semaines plus tard, le 1er juillet, la mer rend son cadavre à Filey Bay.
Consterné, Denys Boudard est requis afin de reconnaître le corps de son ami....
Denys BoudardA l'issue de son stage en OTU, il est affecté au groupe de chasse FAFL Île-de-France avec le grade de sergent chef.
Il rejoint l'Ecole de Chasse à Meknès Maroc et vole sur Spitfire.
Le Spitfire Mk V arborant la cocarde française qui lui a été affecté semble bien fatigué!
En mémoire et en hommage à son ami décédé, il baptise son avion " Sgt Chef Jean HERBERT"
Il rejoint la Grande Bretagne toujours avec les FAFL et enchaîne les missions en France, à Ouistreham, Bayeux, Caen, Isigny, Le Havre.
En 1944 il est promu sous lieutenant.
Devant son Spitfire Mk IX issu des premières productions. On remarque l'emblème de la France Libre.
Denys Boudard aura l'honneur d'être le premier français à poser son avion à Caen Carpiquet, reconquis les 4 et 5 juillet par la 3ème Division d'infanterie canadienne.
Les canadiens à Carpiquet le 5 juillet 44
L'état de l'aérodrome lors de l'attaque canadienne
Il restera dans l'Armée de l'Air et prendra sa retraite avec le grade de Commandant.
Bien après la guerre, après la reconstruction il continuera à voler sous les cieux normands et ailleurs... Il demeurera sur la région et en tant qu'instructeur il formera de nombreux élèves à Carpiquet.
Parmi tous les avions qu'il a piloté, il a toujours montré une affection particulière pour le Supermarine Spitfire.
Denys Boudard s'éteint le 9 octobre 2005 à Caen.
Serge