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BREGUET 693 du GBA II/54 3ème escadrille 06/1940
L'avion ici est à peine arrivé au GBA, il n'a pas encore effectué de mission.
L’avion du sacrifice, tel pourrait être le symbole porté par cet appareil. Seul véritable chasseur bombardier équipant l’armée de l’air en 1940, sa mise au point effectuée dans la précipitation, son équipement en trop faible nombre mais surtout ses conditions tactiques d’engagement, n’ont pas permis d’endiguer la marée des blindés allemands.
En revanche du courage, leurs équipages n’en manquaient pas pour partir dans ces missions d’attaque au sol qui restent encore de nos jours, les plus dangereuses pour l’aviation.
Même si on ne peut pas parler de missions suicides, sans le côté mystique du kamikaze, l’exécution répétée de ces opérations terriblement éprouvantes et dangereuses a demandé à ces hommes un héroïsme incroyable que l’on a peine encore à imaginer.
L’arme aérienne comme soutien des troupes au sol était une doctrine complètement oubliée par l’armée française à la veille du second conflit mondial. Celle-ci en avait pourtant donné les prémices lors des offensives de 1918.
Avec un complexe de supériorité, notre hiérarchie militaire avait alors conservé des dogmes d’un autre âge qui ont eu pour conséquence la défaite humiliante de la campagne de France.
Seul le bombardement classique était envisagé, sachant qu’à cette époque, l’imprécision des systèmes de visée ne permettait pas d’intervenir sur des cibles mouvantes ou de taille réduite et sans risque de dommages collatéraux ou fratricides.
La première technique pour obtenir la précision nécessaire était le bombardement en piqué. Testé dans un premier temps aux Etats Unis, l’Allemagne en avait affiné son utilisation lors de la guerre d’Espagne.
En France, cette technique n’avait pas été véritablement expérimentée, ni envisagée à l'exception de la Marine.
Une autre méthode pour obtenir une précision suffisante, était d’attaquer au plus près du sol, en vol rasant. C’est cette dernière technique qui sera tardivement retenue et trop rapidement mise en œuvre, sans une expérimentation en conditions réelles de combat.
Malheureusement nos généraux avaient à l’époque minimisés l’importante de la DCA. Or cette méthode ne permettait une réussite sans trop de risque qu’à la condition d’obtenir la surprise, afin d’anticiper la réaction de ses servants.
Ce dernier atteint sa vitesse maximum de 490 km/h à 4400 m d’altitude. Faute d’avoir un moteur adapté, elle n’est plus que de 375 km/h au niveau du sol et près de 400 km/h avec la surpuissance. Avec ces performances il est cependant au début du conflit, l’avion d’attaque au sol et le bombardier léger le plus rapide.
Son armement comprend un canon de 20 mm et 2 mitrailleuses de 7,5 mm tirant en chasse, 1 mitrailleuse fixe ventrale arrière de 7,5 mm, 1 mitrailleuse dorsale en défense arrière de 7,5 mm sur affut mobile et enfin un chargement en soute de 8 bombes de 50 Kg.
Des plaques de blindage protègent le pilote et le mitrailleur. Compte tenu du type de mission de l’appareil, leur épaisseur se révélera insuffisante. Elles sauvèrent néanmoins nombre d’hommes, à une époque où peu d’avions possédaient ce type de protection.
L’avion est maniable et peut effectuer toutes les figures acrobatiques d’un chasseur.
D’une maintenance facile, le Breguet est aussi populaire parmi ses équipages, son exceptionnelle solidité en sauvant de nombreux lors de leur crash.
Il possède aussi une excellente visibilité vers le sol.
Néanmoins la mise en ligne dans l’urgence va causer des déficiences que la défaite ne permis pas de résoudre.
On peut citer par exemple la fragilité du train d’atterrissage, le moteur qui ne délivrait pas sa pleine puissance à basse altitude, le manque d’un viseur réellement adapté aux missions demandées.
De nombreux développements étaient prévus et il est certain que ces problèmes auraient été résolus si la campagne de France n’avait pas été aussi courte.
Les Breguet 693 vont équiper les 51ème et 54ème escadres, alors que le groupe II/35 conservant les 691, sera destiné à la réserve, au soutien et à l’entrainement.
L’avion représenté ici faisait partie de la 3ème escadrille du GBA II/54. Il porte l’insigne de la SAL 1, une des plus anciennes escadrilles françaises, créée en 1912.
L’insigne de l’escargot fait référence à la lenteur des appareils dont elle est dotée en 1915, des avions Maurice Farman.
Après-guerre elle restera une escadrille d’observation et de reconnaissance avant de devenir une unité de bombardement au début de la deuxième guerre mondiale.
A la déclaration de guerre le groupe II/54 est installé au Bourget avec un équipement de Potez 540.
Après avoir fait mouvement dans l’Est de la France, il est transféré à Salon de Provence le 17 octobre 1939 pour s’entraîner à ses nouvelles missions sur Potez 633, Caudron Simoun et les premiers exemplaires de Breguet 691.
Pour des pilotes de bombardiers, le vol à très basse altitude, à moins de 10m du sol, est un sport exaltant mais cela ne se fait pas sans risque.
Le 3 décembre 1939, le Lt Brunet et le Sgt Soler sont blessés en accrochant un arbre, détruisant leur Potez 633.
Le 13 décembre, le groupe arrive sur le terrain de Vinon sur Verdon où il poursuit sa transformation sur Breguet et peaufine ses techniques de bombardement à basse altitude ou en semi piqué. On procède aussi à la sélection des équipages selon les critères suivants : être volontaire, avoir moins de 35 ans et peser moins de 85 Kg tout équipé.
Puis le 06 mai 1940, le groupe prend position à Nangis avant de rejoindre son terrain d’opération à Roye-Beuvraignes près de Compiègne.
Le 12 mai 1940, les Groupes I/54 et II/54 sont engagés dans les premières missions de l’aviation d’assaut, deux jours après le lancement de l’offensive allemande.
Ils sont lancés contre les colonnes blindées qui déferlent vers la France à travers les Pays Bas et la Belgique.
Le II/54 envoi 7 avions sur des axes routiers entre Lièges et Tongres. Volant à près de 400 km/h entre 5 et 10 m du sol, ils suivent les vallons encaissés, jouant à saute-mouton au-dessus des arbres, des ponts, des lignes électriques. Le groupe va causer de sérieux dégâts à l’ennemi tout en déplorant la perte d’un appareil dont le mitrailleur, le S/Lt. de la Porte du Theil, péri carbonisé dans l’avion.
Un autre appareil sera sérieusement touché après être passé à travers des arbres mais parviendra à rentrer au terrain.
Si ce groupe a pu réussir sa mission et surprendre la DCA, tel ne fut pas le cas pour les 11 avions du I/54 qui seront détectés par un Henschel 126.
Lorsqu’ils se présentent sur l’objectif, c’est un véritable mur de feu qui les accueille. Les colonnes allemandes sont organisées de telle sorte qu’elles comprennent une plate-forme de Flak tous les 4 véhicules. En se présentant dans l’axe, à la queue-leu-leu, les Breguet causent d’importants dégâts mais sont aussi des cibles faciles pour les servants de DCA. Dans ce groupe, seuls 2 avions vont parvenir à rentrer au terrain dont un transformé en véritable passoire. Le Lt. Delattre qui mène une section de trois appareils, est touché au moteur dès qu’il pique sur son objectif. Cela ne l’empêche pas de larguer ses bombes et de faire un second passage de mitraillage. Perdu pour perdu, il jette finalement son avion en flamme sur les véhicules en tête de colonne.
Ces pertes effroyables pour le groupe montrent avant tout les lacunes de l’aviation d’assaut française qui n’a pas connu l’expérience des combats, contrairement à la Luftwaffe.
Relater sur cette page toute l’épopée des 41 jours d’opérations qui vont suivre est impossible. Les témoignages, empreints d’adrénaline, décrivent des situations dont on a peine à imaginer.
Les équipages vont défricher et découvrir les méthodes d’attaques les plus efficaces au prix de pertes importantes.
Le fait est que le temps leur à manquer pour en tirer une doctrine claire et établie.
Ne pas faire de second passage sur l’objectif, attaquer perpendiculairement et non pas dans l’axe, selon plusieurs directions, voilà quelques règles qui resteront en vigueur tout au long du conflit, face à une Flak omniprésente.
Bien souvent les Breguet ne bénéficient d’aucune couverture de chasse. Ils sont alors à la merci des chasseurs allemands. Se retrouver isolés avec 9 Bf. 109 à sa poursuite est une proportion rencontrée régulièrement. Seule solution dans ce cas, descendre au ras du sol dans une folle course poursuite.
Même si les Breguet se défendent bien, enregistrant d’ailleurs quelques victoires, ils ont peu de chance d’en réchapper et finissent le plus souvent au tapis. Heureusement, beaucoup d’homme doivent la vie sauve à l’exceptionnelle robustesse de leur avion.
Réaliser la surprise pour déjouer la DCA, est une condition rarement rencontrée.
La lenteur des communications et la mauvaise organisation de la chaîne de commandement, ont des conséquences néfastes lorsque les Breguet sont obligés de chercher leurs cibles. La situation sur le terrain ayant changé entre-temps, ils ont alors plus de risques de se faire repérer en cherchant leurs objectifs. Leurs bases sont aussi souvent trop éloignées de leur périmètre d’intervention.
Après cette première journée du 12 mai, des raids sont effectués mais en semi-piqué, moins risqués mais aussi moins efficaces.
Jour après jour les missions vont se poursuivre pour tenter d’enrayer l’avance des blindés de la Wehrmacht.
Le plus souvent c’est au maximum une dizaine d’appareils que l’on lance sur des dispositifs qui peuvent atteindre près de 800 véhicules voir plus.
La première réflexion qui vient aux équipages face au flot de ces centaines de véhicules : « ce n’est pas 10 ou 20 avions qu’il eût fallu lancer dans la mêlée, c’est 200 ou plus si possible »
Le II/54 est replié sur Briare le 16 mai. Ce jour-là, deux avions sont abattus par la Flak avec un équipage tué et l’autre prisonnier.
Le 18 mai, le groupe perd son chef, le Cdt Pierre Grenet dans une mission de bombardement impliquant huit avions.
Le 2 juin, nouveau repli sur Chartres mais les avions sont postés sur le terrain de Beauvais pour être au plus près de l’ennemi.
Le 5 juin, quatre Br. 693 décollent vers 9H00 pour bombarder en vol rasant une colonne de chars vers Amiens. Le n°5 baptisé « Dadou » est attaqué par quatre Bf 109 qui l’abattent, l’avion s’écrasant à Hattencourt, au nord de Roye. Le S/c Jean Matuchet, mitrailleur et aumônier du groupe, est tué à son poste.
Le S/Lt Raymond Brunet parvient à sauter en parachute mais il est mitraillé par les chasseurs au bout de ses suspentes.
Beaucoup d’hommes partent en mission après avoir été descendus une première fois.
Le S/c Perrot de Thanneberg après deux atterrissages en catastrophe les 6 et 7 juin, participe le 9 juin à une attaque de blindés au Sud de Soissons. Touché par la Flak, son avion va finir cette troisième fois dans les arbres à trois mètres du sol mais l’équipage sain et sauf.
Après plusieurs replis toujours plus au Sud, le groupe sera à Bordeaux à l’Armistice et finira ensuite à Toulouse. Sa dissolution est prononcée le 09/08/1940.
Sur la période, les pertes au combat se montent à seize Breguet pour le II/54.
Mais surtout le groupe déplore 12 hommes tués au combat, 15 blessés et 4 prisonniers.
Evidemment, on a cherché ailleurs des responsabilités et comme bien souvent c’est aussi sur le matériel que l’on se décharge puisque les équipages étaient eux irréprochables.
Pourtant il semble bien que l’avion était en avance dans bien des domaines, à la fois techniquement et en défrichant des méthodes d’attaque au sol.
Le temps a simplement manqué pour améliorer et développer le concept.
Ce n’est qu’en mars 1938 que le Haut Commandement français décide de créer une aviation d’assaut, à la suite notamment des renseignements tirés des conflits les plus récents.
C’est un dérivé du Breguet 690 qui est alors choisi pour équiper les unités. Ce chasseur lourd développé sur fond privé avait fait son premier vol ce même mois.
Il répondait à un programme de chasseur triplace, contrat remporté par le Potez 630 car déjà prêt pour la commande en série.
L’avion dessiné par l’ingénieur Georges Ricard possédait nombre d’innovations techniques et se révéla finalement le plus rapide.
La cellule permettait plusieurs adaptations et développement. La forme de son fuselage en profil d’aile, laissait un espace suffisant pour l’installation en soute d’un râtelier à bombe à la place du troisième homme d’équipage.
Cette version 691, transformée en avion d’assaut, est commandée en juin 1938 à 100 puis 200 exemplaires. Equipé de moteurs Hispano-Suiza 14 AB de 640 CV qui doivent être optimisés ultérieurement pour la basse altitude, il s’avère que ces derniers se révèlent peu fiables. Les avions seront finalement réservés à l’entraînement.
Seuls 78 avions seront sortis des chaînes.
La commande est reportée sur le Breguet 693 motorisé par le Gnome et Rhône 14M, un 14 cylindres en double étoile de 570 CV atteignant 700 CV en surpuissance. Le premier exemplaire de ce modèle prend son premier vol le 25 octobre 1939. Ce moteur plus fiable a néanmoins l’inconvénient d’équiper nombre d’appareils français dont les Potez 631 et 63-11. De ce fait le niveau de commande prévu à près de 500 exemplaires sera ramené à 130 pour être remplacé par le 695. Cette version est équipée du Pratt et Whitney SB4G « Twin Wasp Junior » développant cette fois 750 CV au décollage. Si ce modèle est finalement destiné à la grande série, c’est essentiellement le Breguet 693 qui va connaître le combat, du fait des évènements.
Sources:
Revue “Le Fana de l’Aviation” n°184 à 186 et 193 à 195,
“Les Ailes Françaises 1939-1945” n° 3 et 4, Arnaud Prudhomme
“Breguet 693, le lion de l’aviation d’assaut” , Arnaud Prudhomme,
“Les Ailes de Gloire n° 1 Breguet 690 à 695” ,Patrick Marchand et Junko Takamori (Editions d’Along),
“Le Sacrifice”, Olivier Ledermann, Jean-François Merolle (Edition IPMS-France),
http://experten60.free.fr/Mod.ailes.histoires/Breguet_693.html,
La toile
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